mardi 23 juin 2009

En route pour la Gaspésie III



Mercredi le 15 juillet 1925
À cinq heures, la campe s'est levé, le déjeuner prit, le bagage ficelé, et on se mettait en route, toujours vers la direction de Gaspé.

On a du bon chemin mais il y a plusieurs routes en réparation. On a un petit contretemps en arrivant à Causapscol mais on s’arrête un peu dans un garage pour reposer le pneu qui se sentait indisposé.

Et puis, nous nous rendons dans la vallée de la Matapédia. Chemins généralements bons mais des côtes, il y en a.

On prend le bois pour 35 milles de longueur, et c’est à la fois superbe et effrayant de voir les coupes et les montagnes immenses que nous rencontrons.

Le chemin sur ce ponceau longe la Rivière-aux-Saumons d’un bout à l’autre. De temps à l’autre, nous sommes au niveau de l’eau. Un peu plus loin, le chemin est tracé dans le roc d’immenses montagnes à des centaines de pieds plus haut que la rivière d’un côté et près des montagnes hautes à perte de vue sur l’autre côté. Il nous faut jouer du klaxon presque continuellement car on ne peut presque pas rencontrer sur ce chemin dont le précipice et le mur de roc font ces boisés.

La Rivière-aux-Saumons tombe dans le fond de la baie des Chaleurs et sur un parcours de 35 milles coule continuellement un rapide sans aucune chute. Cette rivière est remplie de saumons que les Américains viennent chaque printemps. Des clubs viennent y faire la pèche et font défense absolu de pèches au public. Des gardes y sont installés tout le long de la rivière et gare à celui qui sera prit à pêcher.

Ce chemin est bien beau mais par contre on trouve le parcours long : sur toute cette distance on ne rencontre que quelques colons par ci par là. Et enfin, on arrive à Matapédia. C’est un gros village construit dans les montagnes près de la « Baie des Chaleurs ». On nous informe que les chemins partant de Matapédia pour Gaspé par le côté nord sont en réparation et qu’il est impossible d’y passer. Alors il nous faut entrer dans le Nouveau-Brunswick ce que nous faisons. On traverse la Rivière-aux-Saumons sur un beau grand pont et nous voilà dans le Nouveau-Brunswick. Comme c’est l’heure du dîner, on fait halte et on se prépare pour un bon dîner lorsqu’il me vient une idée. Nous avons apporté un peu d’alcohol avec nous en cas de besoin et la province du Nouveau-Brunswick est « sèche ». Il est donc prohibé d’y passer avec de l’alcohol. Alors, la peur nous gagne et il s’en suit que le dîner est abrégé. On s’empresse de retourner dans « notre province » pour prendre des informations. Et on nous assure partout qu’il n’y a aucun danger de traverser au N.B.. On se risque et on passe part. La ville de Campbellton est située sur les bords de la Baie des Chaleurs. Assez considérable et industrielle, elle est cependant d’un autre genre que nos villes québécoises. Ville totalement anglaise, elle est aussi habitée par des Acadiens au parlant aussi que l’anglais. On traverse à Causapscol et avec nous des gens qui font des pieds de nez aux gens de l’autre bord.

Nous sommes dans le comté de Bonaventure. Plus on avance, plus la Baie des Chaleurs s'élargit. On suit la rive presque tout le temps et ceci est d’autant plus intéressant que la mer est houleuse. On voit des choses inaccoutumés. Par exemple, je crois qu’il est intéressant de mentionner que sur une longueur de chemin d’un mille à peu près, on passe des ponts assez considérables. Ailleurs, sur une longueur de à peu près 4 milles on en passe 4 gros ponts couverts. C’est dire que dans cette partie du pays, les rivières et les ruisseaux abondent. Il y a des magnifiques petites sources d’eau placée un peu partout. On traverse deux baies sur les «ferry» pour éviter du long chemin. Les chemins sont encore beaux les ¾ du parcours. On les répare ou on les construit avec un sable rougeâtre pris sur les bords de la mer.

On campe à St-Omer où comme partout ailleurs on est très bien reçu par les employés d’une compagnie de bois du N.B. lesquelles trouvent étrange de nous voir lever une tente pour y passer la nuit. Pendant que M. le Vicaire et Eugène jasent avec les bonnes gens, M. Montreuil et moi partons avec une chaloupe pour aller faire un peu de pêche aux Poulamons. Nous en prenons un peu mais on est dérangés par la grosse mer dont les vagues nous bercent aimablement. On n’est pas long à dormir à soir car on a fait une bonne journée. En passant, qu’il me suffise de dire que nous faisons en moyenne de 150 à 200 milles par jour suivant l’état des chemins, les retards imprévus que nous avons tel que quelques légères réparations à nos pneus ou à l’auto, les arrêts que nous faisons soit pour « luncher », admirer ou prendre quelques intéressantes photos.

On trouve curieux d’entendre le parler différent des certaines gens avec qui nous sommes en contact sur le long de la route. Tel que déjà mentionné, on graseille un peu partout. Puis les patois ne manquent pas. J’en ai saisi quelques-uns : par exemple sur la traverse de Campbellton je crois j’entendis une jeune fille dire à un garçon « Bale moé l’dos » en voulant dire sans doute « Fiche moi patience ».

On appelle le vers à pêche « anchois » ou « lèche ». Un hameçon « croc au zin ». Un pain, quelques-uns nomment cela un « cuit » etc. etc.

Mais quelque soit leurs paroles plutôt rustiques, ce sont tous de bonnes gens affables, sympathiques et prêt à nous ouvrir leurs demeures sans doute à cause que nous avons avec nous un prêtre et que la très grande partie de cette population sont des Acadiens catholiques fervents.

Jeudi le 16 juillet
Nous quittons St-Omer après que M. le Vicaire ait dit sa Messe. Je suis allé servir sa messe mais ne put communier ayant bu à une source d’eau glacé tout près de notre campement. Nous suivons partout le long de la Baie des Chaleurs et presque à chaque demeure on y voit près de la maison des grands séchoirs sur lesquelles les pècheurs (car ici tout le monde s’occupe de pèche) font sécher de la morue. Oui, de la morue, on en voit partout. Ça sent partout la morue et ce n’est pas très agréable, je vous en assure. On voit quelque part à Carleton deux bons vieux pècheurs arrivant d’une randonnée sur l’océan avec quelques cent morues. On va assister à leur débarquement et leur pèche fut assez bonne pour charger deux chevaux. C’est dire qu’on en prend tant qu’on veut.

Ces gens vendent leur morue après l’avoir fait sécher à une compagnie puissante (The Robin Jones Whitman co.). Ces marchands ont des gros magasins partout sur la côte de Gaspé, et achètent le poisson qu’il paie à peu près le prix qu’ils veulent pour la morue, tout en vendant cher leur marchandise. Ils ont aussi des usines partout sur le bord de la mer pour la préparation du poisson pour le marché italien principalement.

On s’arrête un peu plus tôt qu’à l’ordinaire ce soir.

On a une belle eau à « Grande rivière »sur le bord de la mer. Le vent qui fut grand toute la journée, continue de souffler ce soir; les vagues d’une hauteur de quelques vingt pieds viennent s’abattre sur la rive avec un fracas assourdissant. La terre en tremble sous mes pieds.

Après un bon souper (notre cuisinier s’est surpassé ce soir) et quelques temps de jasette, on prend la nuit au son toujours sourd et monotone de la vague sans interruption jusqu’au matin. Le grand air commande le repos et on le laisse faire.

Photos : Tas de morue à Ste-Adélaïde (Napoléon Montreuil).
Monsieur le Vicaire, l'abbé Labelle, debout derrière le Père Paul Quesnel (Musée des pionniers de Saint-André-Avelin).

2 commentaires:

  1. Cette fois (encore) vous m'avez bien eu. N'eut été de la date, j'aurais pu croire, j'ai cru pendant un instant, que c'était votre voyage. Et comme c'est le début de l'été, des vacances, c'était bien plausible ce départ poiur la Gaspésie.
    Les maisons ressemblent beaucoup à celles de Pasbébiac que j'ai tellement aimé.

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  2. Internet peut parfois être trompeur si un ou deux détails nous échappent...

    J'aimerais bien partir pour la Gaspésie...

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